Infrastructures terrestres | ENSAPVS

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Le programme d’études « infrastructures terrestres » porte sur l’étude des infrastructures dans leurs dimensions spatiales, temporelles et programmatiques.

Initié en 2022, ce programme regroupe des étudiants de Master de l’École nationale supérieure d'architecture de Paris-Val de Seine. Il vise à développer une connaissance de la formation et de l’organisation des territoires habités, en croisant des approches historiques, géographiques, paysagères, constructives, géologiques et écologiques. Il s’appuie sur l’étude des territoires côtiers ; territoires à la fois attractifs et « en première ligne » des effets du dérèglement climatique. Ces études préparent à une conception du projet ouverte à une approche pluridisciplinaire désormais incontournable.

La notion d’infrastructure

Historiquement liée à la culture constructive et à la fabrication d’objets techniques, et reléguée hors du domaine de l’architecture, l’infrastructure est devenue le niveau de lecture qui permet d’appréhender les faits terrestres, et de prendre la mesure de l’impact des humains sur le système Terre, et notamment sur l’épaisseur du sol et la consommation de matière.

Alors que les deux derniers siècles d’industrialisation ont renforcé la capacité des humains à transformer massivement la Terre, le domaine de l’architecture s’est paradoxalement rétréci à la question des édifices, laissant de côté d’immenses territoires qui constituent le domaine de l’infrastructure. Les enjeux de l’écologie terrestre (préservation des sols et arrêt des logiques d’extension urbaine, économie de matières, ...) font aujourd’hui de ces territoires, déjà modifiés par l’homme, le sujet principal de l’architecture, qui a pour tâche de transformer ce vaste héritage construit.

L’extension du domaine de l’architecture

Si l’on distingue en général l’architecture (l’édifice) et le contexte (l’étendue, l’environnement, la Terre), l’une faisant l’objet d’un projet et l’autre servant de toile de fond, cet enseignement propose plutôt de considérer ce contexte comme un sujet de conception en tant que tel.

L’architecture se présente alors comme l’art de concevoir et réaliser des projets à toutes les échelles et sur tous les objets de construction. Les édifices, bien sûr, mais aussi les sols, les voies, les réseaux, les espaces publics, les ouvrages d'art, bref les infrastructures terrestres sont les sujets de l’architecture.

Les villes côtières

Au cœur des bouleversements écologiques actuels, les infrastructures qui ont permis l’établissement humain le long des côtes sont particulièrement en crise. La montée du niveau des mers et des océans et l’augmentation des épisodes climatiques intenses, affectent les villes côtières. Elles cumulent souvent des enjeux hydrologiques relatifs au mouvement du trait de côte et au bassin versant avec la rencontre des eaux douces et salées. L’instabilité de la terre et de l’eau, plus prégnantes que dans l’intérieur des terres, appelle à une compréhension fine des sols, et de la manière dont les programmes humains (ports et industries, canaux, voies ferrées, autoroutes, quartiers résidentiels, agriculture, etc.) sont venus les transformer au cours des siècles passés. Porteuses de dysfonctionnements mais aussi de potentiels, stimulantes pour inventer une meilleure cohabitation avec la Terre et les agents non- humains, les infrastructures des villes côtières constituent une énigme à explorer.

CanauxAgricultureUne auberge et un gymnaseÉquipement de quartier et placetteUne halle de marchéUn terminal passagerSport et logistiqueHabiter les vacancesHabiter le parc productifDelphine CapetMerRéseau routierRéseau ferréInterpréter Dunkerque à partir du dessin à la mainLa photographie comme outil de compréhension du territoireL'infrastructure énergétique, échelles et projetLa pérennité de l'infrastructure des wateringuesHabiter et produireLogements et centre de rechercheUne ferme urbaine permaculturelleFormes habitéesUn grand parc habitéHabiter et travaillerTransformer l’ancien chai à vinUne halle de vente directeMartin PapotFanny SerretFormes et devenir de la logistique à Dunkerque
Publications Dunkerque :

« Nos voisins belges ont engagé des études prospectives très ambitieuses. Ils examinent les conséquences d'une élévation de la mer jusqu'à +3m, voire au-delà. »

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Bonjour, pouvez-vous vous présenter et nous éclairer sur les principales problématiques du territoire concernant l'eau ?

Fanny Serret

Je travaille à la direction Cycle de l'eau de la communauté urbaine de Dunkerque. Nous assurerons notamment la compétence en matière de Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations, ce que nous appelons dans notre jargon la compétence GEMAPI*. L’eau est ici un sujet majeur car ce territoire a été très anthropisé pour maîtriser les niveaux d’eau. L’eau est présente partout que ce soit sur la façade littorale ou côté continental. Notre territoire abrite 200 000 habitants, c’est le 3ème plus grand port industriel de France, avec de nombreux enjeux industriels, économiques et aussi agricoles car les anciens marécages sont devenus des terres très fertiles, parmi les plus riches de France. La maîtrise de l'eau est donc essentielle pour protéger ces atouts.

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Nous nous trouvons sur un polder ?

Fanny Serret

Oui exactement. Dunkerque est au sud d’un vaste polder qui démarre au Pays Bas, se prolonge en Belgique et s’étend jusqu’au côteaux calaisiens.

C’est un ensemble cohérent sur le plan géographique et sédimentaire. Côté français, le territoire est situé dans un triangle formé aujourd’hui par les villes de Calais, Dunkerque et Saint Omer, qui correspond au delta de l’AA, l’ancien fleuve qui drainait les eaux continentales vers la mer. Ce secteur très marécageux a été progressivement asséché à partir du Moyen-Âge.

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Ce qui explique les multiples infrastructures liées à l’eau que l’on trouve sur ce territoire ?

Fanny Serret

Oui, car pour gérer le cheminement de l’eau du continent vers la mer, il a fallu construire de nombreux ouvrages, tels que des canaux articulés avec des fossés qu’on appelle les watergangs. Ces structures forment un réseau de 1500 km de voies d'eau, dont 150 km pour la navigation. Ce réseau est complexe, dense et hiérarchisé. Il intègre également des stations de pompage, des écluses, des vannes, des siphons et d'autres équipements car n’oublions pas que le polder est relativement plat ce qui implique une mécanique particulière pour que l’eau puisse s’écouler.

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Qu’en est-il du risque de submersion marine ?

Fanny Serret

C’est un sujet essentiel car nous nous trouvons en dessous du niveau des plus hautes eaux. L’amplitude de marée peut atteindre 7 mètres. Le secteur des Moëres, qui est transfrontalier avec la Belgique constitue le point le plus bas du polder avec une altitude de -4 mètres NGF. Il est donc essentiel de disposer d’ouvrages de protection et de gestion.

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Un risque qui ne connaît pas les limites administratives…

Fanny Serret

Chaque EPCI* est responsable de la submersion marine sur son secteur en coordination avec nos voisins. Nous collaborons étroitement avec l’EPCI Grand Calais ou avec la province de Flandre occidentale car s’il existe un trou dans un cordon dunaire tout le monde sera impacté !

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Cette collaboration inclut-elle la Belgique ?

Fanny Serret

Absolument. Nous collaborons avec la province de Flandres occidentale en Belgique, qui se concentre actuellement sur l'anticipation de la montée des eaux. Nos voisins belges ont engagé des études prospectives très ambitieuses. Ils examinent les conséquences d'une élévation de la mer jusqu'à +3m, voire au-delà, selon les prévisions du GIEC*. Bien que nous en soyons encore au stade initial, nous nous inspirons de leurs travaux.

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Quelles sont leurs solutions ? Des digues ?

Fanny Serret

Ils utilisent une combinaison d'approches, dont des digues autour des structures portuaires mais ils misent surtout sur le réensablement. Ils étudient comment étendre leur littoral pour protéger la côte actuelle de la montée des eaux, parfois jusqu’à 70 mètres ! Ces études seront rendues publiques en 2023. Nous espérons établir un partenariat avec eux, car leurs actions auront des répercussions sur notre littoral, de Bray-Dunes à Dunkerque. Il est essentiel que nos stratégies soient alignées car nous partageons un territoire soumis aux mêmes contraintes.

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Quels autres types de partenariat avez-vous ?

Fanny Serret

Nous avons le projet MAGETO qui concerne la stratégie d'évacuation des eaux continentales. En collaboration avec nos voisins belges, nous envisageons d'inverser le flux du canal de Furnes, qui est parallèle à la côte, en cas de fortes pluies pour éviter les inondations. Bien que les protocoles de collaborations entre deux pays soient longs à mettre en place, ces dispositifs sont essentiels pour le bien-être et la sécurité de nos communautés respectives.

1
la compétence dite GEMAPI comprend les missions suivantes : L’aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin hydrographique ; L’entretien et l’aménagement d’un cours d’eau, canal, lac ou plan d’eau, y compris les accès à ce cours d’eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d’eau ; La défense contre les inondations et contre la mer ; La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.

2
Les EPCI sont des établissements publics de coopération intercommunale. Ils forment des regroupements de communes ayant pour objet l'élaboration de projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité. Ils sont soumis à des règles communes, homogènes et comparables à celles de collectivités locales.

3
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est un organisme intergouvernemental chargé d'évaluer l'ampleur, les causes et les conséquences du changement climatique en cours. Le GIEC a pour mission d'évaluer et de synthétiser l'état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques disponibles, de façon neutre et objective, en rapport avec la question du réchauffement climatique.